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L’APPEL DU VOYAGE
Romain remontait vers le nord, faisant
dos à sa province et à son amie, qu’il venait de quitter provisoirement.
Il s’était abandonné au Voyage et aux
aventures de l’auto-stop, le moyen de « transport Humain», comme il se plaisait
à le nommer. Libre, nomade et imprévisible comme lui, cette modalité du voyage
savait offrir son hospitalité et dévoiler ses secrets aux plus audacieux de ses
hôtes. Ses prétendants se devaient de jouer le jeu de répondre chacun, à
l’appel des autres, les plus courageux
répondant les premiers. Le voyage quant
à lui, garderait le soin de les récompenser à la juste mesure de leur abandon, de
leur oubli d’eux-mêmes dans le partage d’un
trajet, d’une rencontre.
Le territoire de ce mendiant du voyage
s’était soudainement élargi, ouvert grâce à la percée soutenue et lointaine de
cette droite à travers champs : l’autoroute.
Captivé et intrigué par cette interminable route droite lancée vers
l’horizon, il aimait la suivre dans ses jeux, quand sinueuse, elle se plaisait à épouser les courbes des
montagnes et des vallées à contourner. Il s’amusait à la regarder faire, à
l’accompagner, à la suivre
clandestinement, avec une impatience contenue qui le ramenait aux jeux de sa
prime enfance. Il repensait à ses folles échappées quand tout jeune adolescent,
il coursait les jeunes filles de son cœur et réduisait au compte-goutte la
distance de leur télescopage pour
ralentir l’écoulement du temps et de l’espace, et les confier à l’écrin du
présent. Il maniait depuis tout jeune l’Art d’attiser l’intensité de son désir.
Il savait retenir habilement cette
tension, qui portée à son extrême, savait le précipiter dans ce qu’il y avait
de plus généreux : le contact électrique d’une capture, la joie intense d’une
étreinte. Romain savait ressentir la Vie
ainsi, chaque fois qu’il la suivait et qu’il se préparait à leur rencontre pressentie, mais redoutée
comme un acte de collision passionnelle inévitable.